Une rentrée comme les autres ?
Vincent a fait son entrée « à la grande école » … en élémentaire.
Dans une classe LSF qui vient d’ouvrir dans une école toute neuve de Bobigny (93).
Dans cette classe en langue des signes il y a des enseignants qui signent très bien, entendante et sourde, et des enfants de CP.
Hier, on a couvert ensemble son livre et ses cahiers, on a révisé sa page de lecture, tous les deux nous avons travaillé sur la différence entre les 2 langues, on a regardé les mots et puis on a signé la phrase et ensuite on a regardé comment c’était écrit en français.
Pas de barrière de langue à l’école, tout se fait dans sa langue première, la LSF, dans un confort d’apprentissage classique.
Il découvre une deuxième langue, le français écrit, cette découverte se fait par la LSF, tranquillement.
Pour le sport et l’art plastique avec les autres enfants sourds de sa classe, il partage les activités de la classe de CP des enfants qui entendent.
Il trouve que c’est dur de travailler, que la maternelle c’était bien,
Bref, la vie d’un écolier et de sa maman !
Alors pourquoi ce texte si banal en fait ?
Combien d’enfants sourds ont la chance de Vincent ?
Combien ont la chance d’avoir une vie d’écolier tout ce qu’il y a de plus ordinaire.
La chance d’avoir accès à 100% de la parole du professeur parce que l’enseignement est donné dans une langue que l’enfant comprend totalement ?
La chance d’aborder le français par le biais d’une langue qu’ils maitrisent parfaitement
La chance d’avoir des enseignants qui sont de bon locuteur de la LSF
La chance de ne pas être seul enfant sourd, noyé dans une classe d’enfants qui entendent.
La chance d’être juste regardé comme un élève de CP.
La chance de ne pas être considéré comme un enfant malade à réparer, à corriger, entre les mains d’ortho de psycho et autres spécialistes qui perturbent sa journée scolaire.
Alors cette journée d’écolier ordinaire, concentré sur son travail scolaire, sur ses apprentissages, qui peut jouer et échanger avec des camarades dans le confort d’une langue commune, et s’adresser facilement à son professeur, pour un enfant sourd c’est très loin d’être banal ! C’est même une énorme chance donnée à très peu d’enfants !
Beaucoup, la grande majorité des enfants sourds n’ont pas cette chance, leur vie d’écolier est solitaire et dans une communication bancale, partielle, ou ressemble plus à de la rééducation qu’à de l’éducation !
Alors je savoure des moments tout simples comme travailler quelques phrases de lecture ou l’écouter se plaindre de la difficile condition d’un élève de CP.
Et, en ce temps de rentrée des classes, je pense très fort à tous ceux qui n’ont pas sa chance !